Trouver la bonne distance et appréhender ce qui se cache sous l’écorce
Quand on arrive au Québec, un des premiers aspects qui accrochent notre oreille, avec délice ou répulsion c’est selon notre âge, notre éducation et nos croyances, c’est cette habitude qu’ont les québécois d’utiliser le tutoiement (langage familier)… de manière généralisée.
Oui cela peut surprendre que la caissière du supermarché, deux jours après votre arrivée au Québec, vous demande : as-tu trouvé ce que tu cherchais aujourd’hui ? Quand on est jeune, on n’est pas plus que cela surpris et même peut être ravi de cette supposée familiarité, c’est après que l’on peut trouver étrange que justement un étranger nous tutoie d’emblée, sans passer par la case présentation… au moins au magasin. En situation d’expatriation, d’immigration au Québec ou même pour les étudiants internationaux, le rapport à la langue française est plus complexe que prévu. Cela fait partie du processus d’acculturation, de l’apprentissage interculturel. Il est vrai que le tutoiement est un marqueur social (la famille, l’enfance, la jeunesse, certains cercles professionnels ou entre pairs). Mais qu’en est-il au Québec, pour les Coréens ou les francophones qui arrivent, avec les cultures anglophone et francophone qui déteignent sur l’usage de la langue qu’on utilise ? De la syntaxe au vocabulaire en passant par les expressions idiomatiques transposées…
L’une des principales caractéristiques de la culture québécoise, une des thématiques interculturelles majeurs, en particulier dans le milieu professionnel, est la notion égalitaire que ce soit entre les femmes et les hommes, au niveau de la diversité dans tout son spectre ou plus spécifiquement au niveau de la hiérarchie. En entreprise, avant tout, le pragmatisme est de mise. Chaque personne a une mission, un rôle qui fait partie d’un grand tout. On attend de chacun qu’il «livre», qu’il apporte sa pierre à l’édifice, qu’il fasse avancer l’équipe, le projet, l’entreprise… ou sa carrière.
Si au Québec la hiérarchie est plus faible qu’en Corée, le tutoiement et le langage familier y sont également plus faciles. Cependant, là où le bât blesse pour certains coréens en arrivant au Québec, c’est la grande différence de l’utilisation du tutoiement et du langage familier et de ce que cela implique. Alors un peu d’histoire et de mise en contexte peut nous aider à mieux comprendre !
Ici, le tutoiement et le langage familier pourraient s’apparenter à l’utilisation du « you » anglais qui ne traduit pas une fraternisation hiérarchique. Se tutoyer est un aspect du pragmatisme très nord-américain avec une hiérarchie plus horizontale qu’en Corée, on simplifie les codes mais les subtilités demeurent. Cependant, si cela est le reflet d’une certaine fluidité sociale, il ne faudrait pas se méprendre et en déduire forcément une proximité relationnelle. Or, si on se tutoie et que l’on utilise le langage familier dans un esprit d’égalitarisme social, cela n’implique en rien que si votre supérieur vous tutoie vous alliez devenir les meilleurs amis du monde. Loin de là.
Parfois, le Coréen qui arrive au Québec, pour faire des affaires, y étudier ou pour y vivre, avec ses références sociales plus ou moins conscientes, peut décoder le tutoiement comme une avancée relationnelle implicite. Mais voilà, «icitte» («ici» en québécois) justement il ne s’agit pas de cela. Même si cela peut être simple et assez agréable, on peut tutoyer et être très loin de l’autre.
Au Québec, on n’apprécie que très moyennement les références à une hiérarchie qui pourrait se vouloir verticale et forte. On vise la collaboration, voire le co-développement mais en fin de compte, la hiérarchie existe et à chacun sa mission, ses responsabilités… avec tout ce que le cela comporte. Et le tutoiement non réciproque pourrait être très mal vécu, comme une imposition de distances de bien mauvaise augure déplacée, dans un sens comme dans l’autre. Quand il s’agit de tutoiement, ce doit être des deux côtés ! Une surprise parfois pour certains coréens quand le boss, ou le sous boss, prendra les décisions qui pourraient être fracassantes même s’il tutoie ses collègues ou les gens de son équipe.
Il n’y a que peu de corrélation au Québec entre le tutoiement et la proximité relationnelle, voire affective ! Alors qu’allez-vous faire de ce tu qui « tue » parfois les relations ou du moins qui semblent être un passage délicat ? It’s up to YOU, my dear. En anglais au moins, le You ne pose pas ce genre de questions.
Et vous qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à partager avec moi vos impressions ou votre retour d’expérience. Demandez Cécile, experte en interculturalité, et je me ferai plaisir de vous répondre.
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